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La vie municipale dans l'entre deux guerres



A première vue, l’entre-deux-guerres nous apparaît comme une période de longue stagnation, voire de déclin. La population du village ne progresse plus, mais recule au contraire d’environ 14 % entre le recensement de 1911, où elle atteignait 1144 habitants, et celui de 1936, où elle est tombée à 985.
Les pertes humaines de la guerre de 1914-1918, qui ont privé le village d’une partie de ses hommes les plus jeunes, ont certes beaucoup joué, mais ne sont pas la seule explication de ce recul, puisqu’en 1921 une reprise démographique paraissait s’amorcer, avec une modeste hausse à 1164 habitants.
L’autre grand facteur du déclin a été la crise économique, qui a sévi de manière très grave au début des années 1930. Lors des premières années qui ont suivi la guerre, on a pourtant vécu une période d’euphorie trompeuse. La sidérurgie française profitait des besoins de reconstruction et de l’anéantissement de sa concurrente allemande. La fermeture des petites mines, le déclin de celle de Chavigny, qui a finalement fermé en 1932, étaient largement compensés par l’expansion rapide de la mine du Val de Fer et de l’usine de Neuves-Maisons, qui fournissaient un emploi direct aux trois-quarts de la population active. Mais avec la fin de la reconstruction, la renaissance d’une sidérurgie allemande modernisée et la crise économique mondiale de 1929, la prospérité initiale a été remplacée par un long marasme.
Ces années de crise ont eu des effets différents sur les différentes composantes de la population. L’immigration du travail s’étant tarie, il n’y a plus eu d’apport extérieur nouveau. Les familles mal fixées, souvent les plus récemment arrivées, ont été tentées de quitter Chavigny, dans l’espoir de trou-ver du travail ailleurs ou pour revenir dans leur pays d’origine. Les familles de mineurs et d’ouvriers métallurgistes déjà bien fixées ont eu tendance au contraire à s’enraciner davantage, consacrant une partie de leur énergie à produire elles-mêmes leur alimentation et à cultiver les quelques terrains, qui étaient leur seule assurance anti-chômage.
Ce réenracinement des ouvriers arrivés dans les années 1880-1910 est particulièrement sensible pour les « Auvergnats », que plus grand-chose maintenant ne distingue des anciens habitants, dont ils ont adopté le mode de vie. Il se traduit par le fait que plus de 40% des
 
ménages sont maintenant propriétaires d’au moins une parcelle du sol de la commune. C’est ce que l’on peut constater en comparant la liste des habitants au recensement de 1936 avec celle, établie au même moment, de ceux qui, pour bénéficier du privilège des « bouilleurs de cru », c’est-à-dire pouvoir distiller leurs mirabelles en franchise de droits, doivent posséder au moins un verger sur le territoire communal.
Tout cela se traduit évidemment par le fait que le périmètre du village reste inchangé, ou peu s’en faut. On ne construit plus d’habitations qu’au compte goutte et fait significatif, on dénombre au recensement de 1936 plusieurs maisons inoccupées, ce qui aurait été impensable dans les premières années du siècle.
Malgré ce que nous venons de dire, il ne s’agit pas d’une société totalement figée, et la mobilité démographique reste grande et prend des formes nouvelles. L’émigration succède maintenant à l’immigration. La guerre a élargi les horizons, comme on le constate dans les nombreux mariages des années qui ont suivi la guerre. Les hommes ont voyagé dans des pays nouveaux, les femmes ont été appelées à prendre des responsabilités et à exercer des mé-tiers nouveaux, elles ont rencontré des militaires ou des travailleurs qui venaient d’ailleurs. Il ne faut donc pas s’étonner si une proportion notable des mariages se fait avec des conjoints de régions éloignées et certains de ces couples vont s’établir au loin.
Le tramway avait permis à de jeunes Chavinéens des deux sexes d’aller travailler à Nancy. Cette facilité existe toujours, mais on utilise surtout le tram pour les achats en ville et pour les loisirs. Ceux et celles qui allaient travailler tous les jours à Nancy, qui côtoyaient des collègues nancéiens et qui étaient à même d’apprécier les commodités de la vie à Nancy ont souvent fait le choix d’habiter en ville et de s’y marier. Cet exode des jeunes adultes contribue à réduire la croissance démographique, malgré la chute spectaculaire du taux de la mortalité infantile et le maintien d’une bonne natalité jusque vers 1930.
Inversement, l’influence de Nancy se traduit aussi par une modernisation lente, mais continue, de la vie au village. Les dommages de guerre et les crédits disponibles sont appliqués à l’aménagement des rues, à l’extension de la distribution d’électricité et à l’éclairage public, à la canalisation des eaux courantes et à l’amélioration du cadre de vie dans les écoles, où les effectifs des classes sont revenus à des niveaux plus raisonnables. Le village s’efforce de faire bonne figure sous le regard des nombreux visiteurs que le tramway amène chaque semaine pour une promenade au grand air ou pour s’amuser dans les « guinguettes » qui s’efforcent de les attirer.
Nous verrons dans un prochain article comment tous ces faits se sont traduits dans la vie municipale.
Jean – Claude Bonnefont