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1910 : L'amputation douloureuse du territoire

La tension monte

A la fin du XIXème siècle et dans les premières années du XXème, les relations se tendent entre les deux communes voisines de Chavigny et de Neuves-Maisons. Neuves-Maisons, à qui l'usine sidérurgique de la Haute Moselle procure d'importants revenus financiers, manque d'espace pour loger sa population ouvrière; Chavigny possède une plus vaste superficie, mais manque d'argent pour fournir à ses nouveaux habitants les commodités auxquelles ils ont droit.

La tension se manifeste surtout à propos de la partie sud du territoire de Chavigny, où se trouve l'entrée de la mine du Val-de-Fer (celle qui a le meilleur avenir) et où, pour être plus près de leur travail, les mineurs se logent dans les nouveaux quartiers de la Tuilerie (environ 100 personnes) et de la Vieille Forge ( une cinquantaine). En août 1902, de nombreux habitants de cette partie sud, qui s'estiment négligés, réclament dans une pétition à être rattachés à la commune de Neuves-Maisons, en se fondant sur deux arguments : ils doivent aller chercher à une fontaine de Neuves-Maisons l'eau potable que Chavigny ne leur fournit pas;

       


leurs enfants fréquentent l'école de Neuves-Maisons, de préférence à celle de Chavigny, qui est surpeuplée. Le conseil municipal de Chavigny réagit naturellement très vigoureusement contre ce projet, comme l'atteste une délibération prise en 1904. Mais le préfet de Meurthe-et-Moselle est saisi et demande à la commune de se prononcer par une délibération motivée. Plutôt que de se figer dans une opposition sans espoir, le conseil choisit en mars 1905 de demander un compromis sur la base d'une limite plus favorable que celle demandée, d'une indemnité financière et d'une reprise par Neuves-Maisons d'une partie de la dette contractée par la commune de Chavigny, au prorata des habitants transférés. Neuves-Maisons a beau jeu de répondre qu'à ce compte, il faut l'indemniser en sens inverse pour la part des bâtiments communaux indivis que les habitants transférés vont abandonner.
 

Les arguments s'affinent

Au fil des mois, les arguments de part et d'autre s'affinent peu à peu. Le conseil municipal de Neuves-Maisons en fait valoir cinq qui sont d'inégale valeur. Il est vrai que les habitants de la zone considérée participent peu à la vie communale de Chavigny, mais on peut remarquer que c'est de leur plein gré, car il existe en France beaucoup d'écarts qui sont plus éloignés du centre de leur commune. Il est vrai que les écoles de Chavigny ont été dans l'obligation de refuser des élèves, faute de place; mais c'est une situation qui va changer, un agrandissement des locaux scolaires est prévu.

Il est vrai que les habitants de cette zone font
inhumer leurs morts à Neuves-Maisons plutôt qu'à Chavigny, mais il n'y a pas lieu d'en tirer argument, c'est une ancienne habitude. Le point le plus critique est l'accès aux fontaines et aux lavoirs; le conseil en rejette la responsabilité sur l'incurie des municipalités précédentes, mais promet qu'un effort sera fait en ce sens. Enfin, s'il est vrai qu'au cours de l'enquête publique beaucoup d'habitants de cette zone se sont prononcés en faveur du rattachement à Neuves-Maisons, quelques-uns s'y sont tout de même montrés hostiles. La délibération souligne pour terminer la perte de revenus que subira Chavigny en perdant la localisation d'une mine en pleine expansion. Au début de 1907, un dernier argument est avancé: il n'y a eu aucune discrimination de la commune de Chavigny envers ces habitants mécontents, puisqu'ils sont toujours touché régulièrement leur part d'affouage !
 

Le dénouement et ses conséquences

La situation n'évolue guère au cours des années suivantes. Chavigny a certes ajouté une classe à l'école de garçons, mais son projet de construction d'un nouveau lavoir n'est pas encore concrétisé en septembre 1909. La municipalité campe sur ses positions en continuant à défendre une concession territoriale minimale, la nouvelle limite devant passer par le sentier de la Greffière et le ruisseau de Presle, descendant à l'ancien moulin. Mais à la suite d'une nouvelle enquête, cette proposition n'est pas retenue par le commissaire enquêteur, qui choisit une nouvelle limite donnant pleinement satisfaction à Neuves-Maisons.

Le préfet hésite encore. Mais en juin 1910, une lettre du président du Conseil en personne le presse de conclure. La municipalité de Chavigny a beau rassembler une dernière fois ses
arguments, faire valoir que le tramway nouvellement créé permettra maintenant aux habitants de cette partie marginale de la commune de se rendre plus facilement au centre, ce n'est plus qu'un inutile baroud d'honneur.Le décret du 10 décembre 1910 fixe les nouvelles limites des deux communes voisines.

Chavigny perd une partie de la section dite Sous la Roche, avec notamment le bois de Chanois et la Vieille Forge, et une partie de la section dite en Mommelier, avec la totalité du vallon du Val-de-Fer. Cela représente au total une amputation de 87 ha sur un territoire qui en comportait 775.

Les autres conséquences pour Chavigny ont été une perte de revenus difficile à chiffrer et une brisure de l'élan démographique continu qui avait été celui de la commune depuis un demi siècle. La population communale, qui était montée à 1243 habitants en 1906, est tombée à 1144 lors du recensement de 1911, effectué dans les nouvelles limites.